Comme chaque année, nous rendons hommage aux 12 fusillés de 1942
(5 le 16 mai et 7 le 27 octobre).
L’harmonie de la Fuye accompagne toujours cette cérémonie qui accueille beaucoup de personnalités civiles et militaires.
La sous-préfète Mme DRIEU-LEMOINE, le député Laurent BAUMEL, la présidente du conseil départemental Nadège ARNAULT, la conseillère départementale Isabelle RAIMOND-PAVERO , le commandant AURENCHE, le capitaine GANNAT ainsi que de nombreux élus et bien d’autres personnes ont écouté les différents hymnes et discours en correspondance à cet hommage.


Jean-Louis RABUSSEAU et Jean-Marie GONET ont déposé la gerbe de la section AFN; celle de la commune était portée par notre maire Pascal BLANCHARD accompagné de Nicolas GERMANEAU.


Vers la fin de la cérémonie, les officiels ont été saluer les quarante porte-drapeaux présents.


Les convives se sont ensuite déplacés vers la salle des fêtes où La sous-préfète et le commandant AURENCHE nous ont gratifié de leurs émouvants discours. Ce dernier a rappelé l’importance du devoir de mémoire qui nous incombe.
Le maire a ensuite invité la centaine de personnes présentes à un vin d’honneur offert par la municipalité.
Ci-dessous, le discours du commandant AURENCHE.
/image%2F2749207%2F20251009%2Fob_1ecaa9_img-20251004-163757.jpg)
Les fusillés du Ruchard : intervention de Michel Beaufils, fils de Maurice Beaufils, résistant communiste, fusillé le 27 octobre 1942, au nom de l’ANARC (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) au camp du RUCHARD ce 4 octobre 2025 (Texte écrit par Pierre Carreau)
Comme tous les ans, nous rendons hommage aux premiers fusillés d’Indre-et-Loire. Comme tous les ans, nous rappelons leurs noms : André Anguille, ajusteur à la SNCF,Maxime Bourdon, ajusteur, Robert Couillaud, ajusteur-outilleur à la SNCF, André Foussier, étudiant en pharmacie, Robert Guilbault, peintre-décorateur. Qu’avaient-ils en commun ? Ils étaient jeunes, ils aimaient la vie. Ils étaient communistes, ils militaient pour un monde nouveau, ils voulaient chasser l’envahisseur nazi et ne se contentaient pas de le souhaiter, ils voulaient agir. Membres d’un parti interdit depuis 1939, susceptibles d’être condamnés à mort depuis le début de 1940 (décrets Sérol), ils ont connu la vie des clandestins : se méfier de tous, toujours, vivant en permanence dans la crainte. Arrêtés par la police de Vichy, battus, torturés, ils sont condamnés par la justice militaire allemande à être fusillés. Leurs dernières lettres à leurs familles montrent qu’ils ne regrettent rien.
Mais comme le dit « le Chant des Partisans », « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place » et ils seront nombreux à prendre le relais des cinq premiers. La répression frappe toujours. Le 16 mai 42, Robert André, Marcel Mallet, Marcel Martel sont fusillés. Le 27 octobre 42, Louis Girod, Louis André, Lucien Arnoult, Maurice Beaufils, Georges Bernard, Paul Désormeaux, Gaston Biéret tomberont sous les balles hitlériennes.
Un tel sacrifice ne peut être oublié, nous avons besoin d’accomplir un réel travail de mémoire.
Mais ne faut-il ajouter, pas ajouter : un besoin de mémoire ?
En effet, particulièrement depuis deux ou trois décennies, propos racistes, xénophobes, fleurissent à nouveau, quand on les croyait disparus, évidemment toujours suivis des même formules : je ne suis pas raciste mais…je n’ai rien contre les étrangers mais…je n’ai rien contre les gens de couleur mais…je n’ai rien contre les musulmans mais…je n’ai rien contre les arabes mais…
A mesure que les difficultés de vie du plus grand nombre vont croissant, ces affirmations se font de plus en plus présentes, on n’a plus honte de dire, à propos de ces gens contre lesquels « on n’a rien », qu’« ils viennent prendre nos emplois, aggraver le trou de la sécu., faire du tourisme médical, submerger notre population…etc ». On assiste à une psychose savamment entretenue par certains grands moyens d’information qui reprennent , amplifient, déforment, inventent, confortent des modes de pensée que les victimes du nazisme croyaient détruire, se réfugiant derrière une soi-disant « liberté d’expression » pour justifier ces provocations à la haine, ignorant superbement ce que disait déjà Spinoza, philosophe du XVIIème siècle : liberté d’expression que l’ état doit refuser à tout ceux qui utilisent « la ruse, la colère ou la haine ».
D’une manière générale, l’histoire du deuxième conflit mondial est amputée au point d’en être défigurée. La victoire finale sur la bête nazie est devenue dans nombre de commémorations le seul fait des Etats-Unis. Oubliée, la Grande Bretagne qui, avec la seule aide de la poignée de volontaires militaires et civils ayant voulu (et pu!) répondre à l’appel du général de Gaule, a tenu tête aux forces du IIIème Reich et du régime fasciste de l’Italie mussolinienne durant tout une année, de juin 40 à juin 41,malgré les tonnes de bombes déversées sur les ports et les grandes villes anglaises. Oubliée, l’armée rouge qui, à Stalingrad, a montré que l’armée hitlérienne n’était pas invincible, et lui a retiré toute possibilité d’initiative après la gigantesque bataille de Koursk (à laquelle ont glorieusement participé les pilotes français du régiment de chasse aérienne « Normandie » où le commandant Tulasne a trouvé la mort).
L’opération « Bagration » a suivi : sur un front de 1000km, environ 2 millions de combattants soviétiques détruisent 28 divisions nazies et avancent de 600km, du 22 juin à la mi-août. L’armée hitlérienne n’est pas abattue pour autant, mais l’espoir renaît dans tous les pays européens écrasés sous la botte nazie. La route de Berlin est enfin ouverte.
Parallèlement à cette réduction de l’histoire, on ne compte plus les agressions d’associations progressistes, de leurs locaux, de leurs militants, parfois même d’élus de la République. Les manifestations ouvertement fascisantes, les défilés masqués, les saluts bras levé à la hitlérienne se déroulent trop souvent dans la plus totale impunité. Des monuments rappelant les exactions de l’occupant et de ses complices, des cimetières, des synagogues, des mosquées sont vandalisés.
Tout ces agissements rappellent fâcheusement ce qu’a connu la république de Weimar en d’autres temps. Bien sûr, nous n’avons pas encore atteint le niveau criminel des tristement célèbres S.A. du parti nazi, mais comment ne pas faire le rapprochement sauf à se boucher les yeux? L’arsenal législatif existe pour contrôler et interdire ces événements, il n’est pas besoin de nouvelles mesures, il suffit d’appliquer celles qui sont déjà en place.
Ceux qui ont succédé à tout ces fusillés dans notre département, partout ailleurs en France et au-delà, la longue et interminable liste de celles et ceux qui ont connu les geôles,les tortures, les camps d’extermination, les lieux d’exécution auraient sacrifié en vain leurs vies, parfois leur familles, leurs proches ?C’est un cri d’alarme qu’il faut lancer avant que «la bête immonde » ne s’impose à nouveau.
Mais il faut peut-être aussi réfléchir aux insuffisances de nos explications puisqu’elles n’ont pas réussi à empêcher le retour de ce que nous avons cru trop tôt définitivement effacé. Peut-être avons-nous trop privilégié auprès des générations de l’après-guerre l’aspect héroïque de cette armée de l’ombre qui, avec les armes qu’elle soustrayait à l’ennemi vichyste ou nazi, puis plus tard avec celles que les armées alliées ont parachutées, a pu inquiéter l’oppresseur et avoir l’efficacité de plusieurs divisions comme l’a reconnu le général Eisenhower. De même, avons-nous su faire ressentir le quotidien des rédacteurs et des distributeurs de tracts, des fabricants de faux papiers, de faux documents, des saboteurs du rail et des lignes électriques, de tout ceux qui, la peur au ventre, ont petit à petit éclairé une population trop confiante dans celui qui reste pour beaucoup l’ancien vainqueur de Verdun ? Surtout nous n’avons sans doute pas assez mis l’accent sur la deuxième partie du Programme du Conseil National de la Résistance qui présentait les mesures à mettre en œuvre dès la victoire militaire, dont la liste avait recueilli l’assentiment de tous les mouvements de résistance enfin réunis grâce aux efforts de Jean Moulin. C’était en effet la motivation profonde de toutes celles et ceux qui ont préféré mourir debout que vivre à genoux : libérer le pays, construire une société nouvelle, vivre en paix comme le dit la dernière phrase du «Chant des marais », hymne de ceux qui ont construit les premiers camps de concentration ( « Die Moorsoldaten » et qui en ont été les premiers occupants.
Malheureusement , quand la Libération a eu lieu, la mise en œuvre de cette partie du programme a été rapidement entravée par certains même qui l’avait élaborée.
Tout n’est pas encore perdu mais il faut regarder les choses en face. Pour réaliser les espoirs de tous ces fusillés, de la longue cohorte des massacrés par le fascisme hitlérien, pour accéder à un monde où la guerre serait enfin bannie, le chemin sera long. Des conflits monstrueux déchirent les cinq continents. Les nationalismes exacerbés, le refus de l’autre, la réapparitions des génocides préfigurent un avenir ténébreux.
Pour honorer la mémoire de ces résistants, redonnons du lustre aux commémorations, luttons contre la désinformation, réapprenons l’histoire aux jeunes (et moins jeunes!) générations et faisons litière de tous les négationnismes issus de l’ignorance et/ou d’arrière-pensées politiques. Nous resterons ainsi fidèles aux statuts nationaux de l’ANACR qui, citation, « lutte contre les idéologies d’inspiration fasciste, le négationnisme, la xénophobie, tous les racismes et toutes les formes de discrimination, elle se prononce pour a sécurité des personnes et des états le respect des identités nationales, la fraternité entre les peuples, l’épanouissement des libertés, pour la défense des droits de l’homme et de la paix. »
► Pour en savoir plus sur les fusillés de Touraine.
Source : Avon Patrimoine (Un grand merci à Marie-Rose, Philippe, Chantal et à Sophie pour le partage de leurs photos sur ce blog).
“Quand on parle des morts, les morts nous écoutent.”
Robert Badinter (1928-2024)